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Trait portrait
10 décembre 2007

Dans la cité du Hurlevent

Fabien a quatre ans et ne comprend pas très bien pourquoi les autres à l'école regardent bizarrement sa maman. La maman de Fabien est en fauteuil roulant.

Fabien a huit ans et n'aime pas trop aller à l'étude quand son grand frère travaille sagement. A 18 heures, Fabien préfère les feux d'artifice de pétard dans les rues de la cité avant le retour du travail, un peu plus tard le soir, de ses parents.

Fabien a dix ans et n'aime plus du tout l'école. De menus trafics de bonbons en revente de cartes à jouer "empruntées", il amasse des sous, et ne voit pas en quoi étudier les maths et le français l'aidera un jour à gagner de l'argent.

Fabien a douze ans et traîne de plus en plus souvent dans la rue maintenant. L'autre jour avec les gars de la cité, c'est carrément une voiture qu'ils ont réussi à faire démarrer. Fini les mobylettes, ce qu'ignorent ses parents convoqués par le proviseur "je sais bien que vous travaillez, et le handicap de madame, mais il ne faut pas laisser passer ce genre de comportement".

Fabien a quatorze ans et il ne s'en laisse pas raconter maintenant. Touche-à-tout, charmeur, intelligent. Il s'est fait une place parmi les revendeurs de la cité, on le sait c'est public il vend de la qualité. Quelques convocations chez les flics, un regard larmoyant, il s'en tire toujours bien trop facilement.

Fabien a seize ans et le monde est à lui. On fait appel à lui, on le respecte, on le craint : il le sait, maintenant il est quelqu'un. En sursis il s'en fout il veut foutre le camp. Ses parents ont tout tenté, les menaces la pension, ils demeurent impuissant.

Fabien a dix-huit ans et un charisme étonnant. Violent ou méprisant selon qu'on s'oppose ou qu'on le suit, il trouve cette vie un peu petite pour lui. Au-delà des murs blancs de la cité il se rêve un avenir de caïd, un destin digne de lui. Et puis y'a ces enculés qui menacent de le buter, soit-disant qu'aux flics ils les aurait donnés. Marche ou crève et chacun pour soi, Fabien sait bien qu'il n'avait pas le choix.

Les parents de Fabien ont l'air bien vieux aujourd'hui. Les flics voulaient les faire déménager : vivre caché, triste sort de l'indic. Fabien crachait par terre, roulait encore des mécaniques. Fabien faisait encore le beau, Fabien sur sa moto conduisait bien trop vite.

Les parents de Fabien savaient bien les menaces, on ne trahit pas les copains facilement. Impuissants au procès impuissants dans leur vie ils concèdent tristement qu'ils préfèrent encore à l'homicide volontaire que Fabien soit mort d'un accident.

Son grand frère autrefois si sage s'est acheté une moto et commence à traîner avec les gars de la cité comme pour exorciser l'absence du prématuré disparu. Nous pensons tous que ce n'est qu'une phase et l'entourons en espérant très fort que ça ira mieux demain. Egalement impuissants.

Fabien aurait vingt ans. Il était mon cousin.

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Commentaires
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Kanynski> merci !
K
Trés touchant et trés bien écrit. bravo !
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