Jean-François
Il suffoquait.
Il est sorti prendre l'air, chercher le soleil sur le pont
de la Concorde. A longuement contemplé les voies sur berge comme les vaches
regardent passer les train. Sa main a tressailli à quelques reprises, mais de
ces faux espoirs qui à chaque fois lui soulèvent le tripes ne sont nées que des
déceptions.
Canalisation d'égout crevée ou vent qui transporte les effluves de déchets, il s'est suis soudain retrouvé au cœur d'un nuage invisible et nauséabond. Il a
rentré le nez dans mon foulard en attendant que ça passe, mais ce n'est pas
passé. Il est resté sur le pont à regarder les voitures qui roulent trop vite
et les motos qui pétaradent, si près de lui, sur le boulevard Saint-Germain les
noires fumées des pots d'échappement, les sirènes stridentes des cars de CRS à
la file.
Il a baissé la tête et a observé au bord de la chaussée dans l'herbe fatiguée
les détritus, canettes de soda divers, bouteilles d'eau éventrées, emballages
graisseux. Il aurait voulu vomir ses entrailles pour apporter sa touche à
l'édifice immonde.
Le soleil brillait faiblement comme un néon fatigué. Il frissonnait sous le coup
des nausées, suait de froid, suffoquait d'angoisse. Soudain aveugle, la
vision de son propre corps désarticulé au pied du pont, un cliché de violence
insoutenable le ramène à la réalité en lui rappelant à quel point il es sujet
au vertige. Par un effort de volonté infini, s'arracher à l'image et à la
rambarde. Reculer de quelques pas. Reprendre sous souffle. Repartir, et faire
semblant d'oublier. Haut-le(s)-cœur, Jean-François !