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Trait portrait
5 novembre 2007

Onze heures treize un samedi matin

Elle se souvient de leur première rencontre comme si c'était hier. Ça n'avait pas été exactement un coup de foudre, mais ça y ressemblait beaucoup.

Chacun avait trouvé l'autre beau, et une forte complicité étant immédiatement venue se greffer sur ce désir naissant. Ils ne parlaient pas encore d'amour, tout en y pensant secrètement.

Et puis la décision d'habiter ensemble, à peine quelques petits mois plus tard, tout le monde l'avait mise en garde Tu es complètement folle C'est beaucoup trop tôt Tu le connais à peine ce type. Certes, l'emménagement commun était pratique sur un plan matériel, mais ils en avaient surtout tous les deux très envie, et après tout, c'est ce qui comptait le plus pour eux.

Là où tous leur prédisaient l'échec, ils n'ont trouvé que du bonheur. Dans sa vieille mansarde à lui rue des Archives d'abord, puis dans leur grand appartement de la rue des Martyrs. Ils ont vus autour d'eux les couples se former et se déformer, tandis qu'eux, le duo imprévu, avançait dans la vie main dans la main.

Et puis après cinq ans de vie commune, une pensée leur germe concomitamment dans la tête. Qui fait d'abord sourire, comme un vague projet à l'horizon, et qui finalement se rapproche , se rapproche jusqu'à devenir sinon une idée fixe, au moins un rêve - mais un rêve réalisable. Ils s'aiment, ils se sentent près ; ils sont heureux jusqu'à avoir envie de partager leur bonheur en donnant la vie.

Après quelques faux espoirs et essais infructueux, elle tombe enceinte et ils sont tous les deux fous de joie. Les mois de grossesse passent à une vitesse folle, le secret bien gardé dans un premier temps, l'annonce aux parents et aux amis, l'aménagement de la chambre du bébé, les visites pré-natales, la valise prête pour la maternité et enfin le départ le coeur battant, Ça y est il arrive il est enfin là cet enfant.

C'est à tout cela qu'elle pense ce matin allongée dans son lit d'hôpital, Julien fou de bonheur à côté d'elle, les beaux-parents sont déjà là, sa belle-mère a même versé une larme, ses propres parents devraient arriver dans l'après-midi, et elle.

Elle qui contemple ce petit être étrange qu'elle tient maladroitement dans ses bras, et qu'elle trouve finalement laid faute de le trouver beau. Cette chose braillarde sortie d'elle en lui déchirant les entrailles, qu'elle ne reconnaît pas. Cette créature visqueuse et déformée qu'elle voudrait bien confier à son père le temps d'aller faire un tour du monde et de revenir - ou pas.

Triste ironie du sort que les proches qui s'extasient devant une jeune maman qui pleure "de bonheur" devant cet enfant dont elle souhaiterait qu'il n'ait jamais existé.

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Commentaires
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Peekaboo> c'est très exactement ce que j'ai voulu dire :)
P
la maternité n'est pas simplement ruban bleu ou ruban rose et sourire de félicité...
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